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Entretien avec Fréderic Mars par Polars-Oïd

« Non-Stop »

-Les éditions Black Moon -

 

 

1/ Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

Je suis journaliste de formation, et j'ai évolué dans ce domaine (sur papier, puis sur Internet) pendant douze ans, avant de bifurquer définitivement vers l'édition. Je suis une sorte de stakhanoviste de la plume, qui écrit tous les projets qui lui tombent sous le clavier. Ce n'est pas toujours de tout repos, mais cela me permet de vivre de ma plume depuis neuf ans. Au total, j'ai écrit près d'une soixantaine d'ouvrages, dans des registres très différents (essais, documents, pratiques, romans, etc.) et sous diverses identités.

Hormis l'écriture... je m'intéresse à tout ce qui m'y ramène ! J'y pense tout le temps. Et même quand je n'écris pas, je passe ma vie à prendre des notes, à consigner des idées ou des détails vus, lus, entendus et qui pourront me servir pour l'un de mes projets. C'est ce qui me passionne dans cette activité : elle donne du sens à tout ce que l'on peut faire d'autre, y compris les choses les plus quotidiennes et les plus triviales.

Par ailleurs, plus en dilettante, je collabore à des scénarios d'unitaires et de séries pour la télévision. Mais je ne cours pas après. Mon vrai métier, c'est l'écriture de romans. Le reste, c'est pour moi une récréation.

 

2/ Pouvez-vous nous décrire comment se passe une de vos séances d’écriture ?

 

Comme je l'ai dit, j'écris énormément de choses différentes. L'écriture est donc pour moi mon quotidien, quasiment tous les jours de la semaine, et ce tout au long de l'année. C'est une activité à temps plein et elle n'est donc pas très ritualisée, ou entourée de cette aura romantique qu'on attribue d'ordinaire au travail d'écrivain.

Concrètement, je m'y mets tous les matins vers 8h30 ou 9h, et ne m'arrête que vers 18h, avec une brève pause le midi. Cela n'a rien de très glamour ou de spectaculaire. De l'extérieur, cela doit paraître à peu près aussi rébarbatif qu'un emploi administratif quelconque ! Mais pendant ces heures-là, je vis dans ma bulle, dans mon monde, ce qui est pour moi le plus gratifiant. Je n'écoute pas de musique, je ne réponds pas au téléphone (je suis injoignable la plupart du temps, ce qui tend à irriter mes proches !). J'ai besoin d'un silence presque monacal... En revanche, je peux très bien passer d'un paragraphe que je viens de rédiger à la lecture d'un mail ou d'un article, et revenir ensuite à mon écriture sans perdre le fil. Tant qu'il s'agit d'écrit, tout va bien.

 

3/ Quel sont vos livres, auteur, film et musique préférés ?

 

Par nature, je ne suis pas très fan ou groupie. Pas plus en musique qu'en littérature ou en cinéma. Je lis donc rarement l'intégrale d'un auteur, une fois que je me suis familiarisé avec son œuvre. Je préfère aller butiner ailleurs, découvrir d'autres choses. Que ce soit dans mes lectures ou dans ce que je vois à la télévision ou au cinéma, je cherche à être surpris avant tout. A être embarqué dans un récit qui brouille mes repères, et soit de nature à me faire oublier le monde environnant. Et le fait est que la surprise vient plus facilement de l'inédit que d'un auteur que l'on pratique déjà. D'où cette recherche de la nouveauté. Parfois je me dis que cette inconstance n'est pas très digne d'un auteur, qui aimerait lui-même fidéliser ses lecteurs, mais on ne se refait pas !

 

Les trois seuls auteurs que j'ai réellement adulés, étant plus jeune, et vers lesquels je reviens encore régulièrement, comme on rentre à la maison, sont Patrick Modiano, celui de la Place de l'étoile et de Villa triste, Franz Kafka, en particulier Le château, et enfin Philip K. Dick, notamment Ubik. Si je plonge dans n'importe quel texte de ces trois auteurs-là, auquel j'ajouterais aussi quelques écrivains oulipiens, tels que Georges Perec et Italo Calvino, je suis sûr de ne pas ressortir déçu. Qu'il y aura chez eux matière à stimuler ma propre imagination. Selon mes critères, c'est ça un "bon" auteur : celui qui me donne immédiatement envie de prendre la plume et de raconter ma propre histoire.

 

4/ Où étiez-vous le 11 septembre 2001 à 8h46 ?

 

Je me souviens très précisément où j'étais. Rien de très original en soi, car je me trouvais alors à mon travail, dans mon bureau. C'était le début de l'après-midi en France. Je travaillais alors pour le portail d'information d'un fournisseur d'accès, dont je dirigeais la rédaction, et nous revenions de déjeuner quand l'info est tombée sur notre fil d'agences de presse. Puis les premières images. Comme tout le monde, j'étais sidéré, sans voix, comme je le serai quelques mois plus tard, le soir du 21 avril 2002, aux alentours de 18 heures, quand j'apprendrai le résultat du premier tour de la présidentielle. Dans les deux cas, j'ai eu un sentiment très partagé : d'un côté assez honteux, une sorte de jubilation intérieure à l'idée de vivre l'histoire en direct, presque une excitation enfantine ; de l'autre une forme d'impuissance dans la manière dont, en tant que journaliste, j'allais pouvoir rendre compte de l'énormité de la situation. Et la retransmettre sans me laisser submerger par ces émotions contraires.

En cela, et au-delà du drame collectif que cela constituait, ce n'est pas un souvenir très glorieux. Mais indéniablement marquant. Du genre dont on se souvient toute sa vie.

 

5/ Quelles ont été vos inspirations pour « Non-Stop » ?

 

Si je dois rapprocher ce livre d'un référent, ce serait sans doute des romans de Robert Ludlum, en particulier la série "Jason Bourne", adaptée au cinéma avec Matt Damon dans le rôle principal. Au-delà, il m'est un peu difficile de le ranger dans un registre ou une famille précise, car j'ai tenté un cocktail volontairement inclassable, mêlant suspense, enquête, scénario catastrophe, politique et espionnage. L'auteur américain le plus proche de cela serait sans doute Robert Littell, auteur de La compagnie, et  père du prix Goncourt 2006 Jonathan Littell.

À vrai dire, la comparaison est peut-être plus à chercher du côté du cinéma (Die Hard, ou les adaptations de la série Jack Ryan de Tom Clancy), des séries télé (24 heures chrono, bien sûr, mais aussi Sleeper Cell ou encore A la maison blanche) et même de la BD. Dans ce registre, je pense à l'immense série XIII, ainsi que, plus récemment, Empire USA.

 

6/ « Non Stop » se situe dans une ambiance comparable à celle de « 24 heures chrono » ou encore des « Die Hard ». Est-ce des références pour vous ?

 

Comme évoqué plus haut, oui, évidemment. Plus 24 heures chrono, dont j'ai revu les huit saisons intégrales pendant l'écriture de NON STOP, que Die Hard, qui est dans un registre plus distancié, plus comique, presque un second degré à la James Bond. Dans Die Hard, on se bat presque "pour rire". Dans 24 heures chrono ou Sleeper Cell, en revanche, c'est la réalité du terrorisme dans toute sa brutalité. Et je tenais à ce réalisme-là. Mais je n'ai pas non plus puisé de personnages ou de situations précises. Ce qui m'intéressait, c'était plutôt le rythme, le tempo de ces séries, que j'ai tenté à ma manière de coucher sur le papier.

 

7/ Vous décrivez magnifiquement bien New York dans votre roman. Elle y apparait presque comme un personnage à part entière. Quelle est votre histoire avec cette ville ?

 

J'y suis allé cinq fois au total. Mon avant-dernier séjour était en novembre 2008, au moment de l'élection de Barak Obama, et ce fut bien sûr le plus marquant de tous. Même si j'ai résidé certaines fois chez des particuliers, donc plus près du quotidien des New-Yorkais que le simple touriste, je ne peux pas prétendre faire partie de cette ville. J'y suis un étranger, un vulgaire visiteur. Mais je la considère comme une sorte de source d'énergie incroyable, à laquelle j'éprouve le besoin de venir me ressourcer plus ou moins régulièrement. A New York, plus que partout ailleurs, on a vraiment ce sentiment extraordinaire d'être au cœur du monde, au confluent de toutes les routes et toutes les influences. C'est à la fois écrasant et incroyablement dynamisant. Et, dans NON STOP, j'avais envie de faire un peu partager ce sentiment-là. Que le lecteur ressorte-lui aussi regonflé par sa balade new-yorkaise.

Et puis, si j'en ai la chance et l'occasion, je n'exclus pas de m'y établir un jour. Pas définitivement, mais ne serait-ce que quelques mois ou quelques années.

 

8/ D’où vous vient le personnage de Sam Pollack?

 

Je ne vous apprends rien si je vous dis qu'un personnage est toujours un collage, un composite de figures et de personnalités qu'on a vus, ou côtoyés. Il nait aussi souvent par contraste par rapport aux autres protagonistes de l'histoire. En l'occurrence, aux côtés d'une Liz forte et déterminée, il me semblait juste que lui soit un homme plus fragile, un peu cassé par son passé. Et puis, on parle souvent des victimes du 11 septembre, et plus rarement des survivants, et de la manière dont ils ont dû ensuite reprendre une vie normale, en particulier un travail, a fortiori quand cette activité était liée à la sécurité.

Après ça, je fonctionne souvent en me composant pour moi-même un portrait physique de mes personnages principaux. Ça m'aide à les voir évoluer en "3D", à imaginer leurs attitudes physiques, leurs mimiques, leur timbre de voix. S'agissant de Sam, je le voyais comme une sorte de Richard Gere mais plus petit et plus sec, plus fébrile, moins dans une masculinité triomphante.

 

9/ Pour quelles raisons avoir appelé le président des États-Unis d’Amérique « Cooper » et non « Obama » ? Car vraisemblablement, ils ne font qu’une seule et même personne ?

 

Oui, bien sûr, la filiation est évidente et je ne la récuse pas. Mais si j'avais conservé le nom d'Obama, au-delà des problèmes juridiques que cela pouvait induire, je me serais aussi enfermé dans un portrait déjà tout fait, sans réelle liberté pour composer mon personnage, ni de le faire évoluer au gré de l'histoire. J'avais envie et besoin de pouvoir jouer à loisir avec certains aspects de sa personnalité, sans me cogner à chaque ligne à ce que je savais déjà d'Obama. Et puis, d'un point de vue purement physique, pendant tout le temps de l'écriture, je me suis plus représenté Cooper comme un jumeau de Denzel Washington que comme un clone de l'actuel locataire de la Maison blanche.

 

10/« Non Stop » est très cinématographique… Une adaptation est elle envisageable ?

 

Envisageable, bien sûr, et je mentirais si je disais que je n'y rêve pas un peu. Envisagé, pas encore. C'est beaucoup trop tôt. Et puis, j'ai bien conscience que c'est un sujet qui demande de très gros moyens pour être adapté. En clair, c'est un peu hollywood ou rien ! Donc si vous avez le numéro de portable de Steven Spielberg, Michael Mann ou Oliver Stone, je suis preneur...

 

11/ Pour Polars-Oïd, pouvez-vous nous livrer une info exclusive sur votre prochain roman ?

 

Mes deux prochains romans seront des thrillers, mais dans des genres très différents de NON STOP. Le premier à sortir sera une sorte de suite ou plutôt de spin off du Livre du mal (Le sang du Christ), deux mille ans après, au Vatican. Le suivant, chez Black Moon, se déroulera pour sa part dans les environs d'Harvard, dans le Massachusetts, et dans le milieu de l'édition... de thrillers !

 

12/ Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose et quelle serait votre réponse ?

 

Aucune en particulier. Je place toujours une confiance aveugle en celui qui me pose ses questions !

 

13/ Où serez-vous le 11 septembre 2012 à 8h46 ?

 

Franchement, je n'en ai encore aucune idée ! Mais, symboliquement, j'aimerais bien être aux États-Unis à cette date. Qui sait... ?!

 

14/ Pour terminer, quelques questions brèves inspirées du « questionnaire de Proust » :

 

- si vous étiez un meurtre :

 

Par étouffement.

 

- si vous étiez un personnage célèbre :

 

John Lennon. J'ai écrit une autobiographie post-mortem de lui (sa vie après 1980, s'il avait survécu à son attentat), Lennon Paradise. Et je me sens plutôt bien dans sa peau.

 

- une idée pour illustrer un futur billet de banque :

 

Jérôme Kerviel ou Nick Leeson.

 

 

Pour en savoir plus sur l’auteur : http://www.fredericmars.com

 

Pour connaître notre avis sur NON-STOP : http://polars-oid.over-blog.fr/article-non-stop-87251917.html

 

 

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